Carte de Brugelette
La carte de Brugelette est une carte imprimée réalisée à partir de données OpenStreetMap (OSM) actualisées dans le cadre d'un processus participatif. Le projet d'édition de cette carte a été porté par l’Opération de Développement rural de Brugelette. Elle est une des concrétisations du projet « Déplacements au fil de la Dendre ». Sa réalisation est le fruit d’un travail collaboratif : initiée par la Commission locale de Développement rural (CLDR), financée par la Commune, coordonnée par la Fondation Rurale de Wallonie, complétée par les citoyens (CLDR, CCATM, Maison des Jeunes, Accueil extrascolaire, etc.), et éditée par Champs libres en partenariat avec Spec uloos et Atelier Cartographique.
Une carte sans publicité
La commune de Brugelette, en demande d'une carte à la fois pratique pour ses habitant·es, a initié le projet d'une carte imprimée. Celle-ci a été conçue à partir des données OSM et surtout avec les habitant·es en demande Cette carte a été distribuée en toutes boîtes dans la commune, et est disponible grauitement à plusieurs endroits pour les non habitant·es. C’est une carte papier réalisée en partenariat avec Champs libres, la commune de Brugelette et la Fondation Rurale de Wallonie. En Belgique, beaucoup de communes distribuent des cartes de leurs territoires produites par principalement une seule entreprise et dont le financement se fait via la publicité. L’espace de la carte se retrouve la plupart du temps mangé par cette publicité. Il n'y a généralement aucune réflexion sur la cartographie en tant que telle. La carte n’apparaît qu’en second plan et est souvent inutilisable. À Brugelette, une personne de la fédération et une personne de la commune ont voulu produire une carte affranchie de publicités. Elles ont pris comme référence le projet Plouarzel-sur-carte réalisé en Bretagne. Pour ce projet, les habitant·es avaient participé à la constitution des données. Le principe était de partir des données disponibles sur OSM et de faire des ateliers avec la commune, la fédération et les habitant·es pour définir leurs envies relatives aux données à faire figurer sur la carte ; identifier les manques par rapport aux données existantes sur OSM ; et réfléchir aux possibilités d'enrichir OSM sur le territoire de Brugelette. Il y avait un enjeu relatif aux données mais aussi au graphisme.
Styler et actualiser les données OSM
Iels voulaient que cette carte soit un bel objet, utilisable et avec une identité graphique propre. Il fallait donc trouver un moyen de styler les données OSM et de permettre la mise à jour de la carte sans devoir la refaire. L’objectif sur quatre ans, était que la commune puisse générer une nouvelle version de la carte, avec des nouvelles données OSM, ces dernières encodées par la commune et les habitant·es. Cette carte aurait donc plusieurs versions, et ne serait pas fixée dans le temps, reproche fréquemment fait aux supports papier.
Des ateliers participatifs pour compléter les données OSM
Les deux personnes, celle de la commune et celle de la fédération, ont été très actives pour constituer des groupes d’habitant·es et organiser des ateliers participatifs qui ont eu lieu soit en soirée soit le week-end, parfois aussi en journée avec des groupes d’élèves. Lors du premier atelier, nous avons collecté les différentes envies des personnes présentes par rapport aux données qui n'existaient pas sur OSM. Elles voulaient par exemple faire figurer les chemins de randonnée qui avaient été débroussaillés par les habitant·es de la commune. Les habitant·es voulaient aussi dessiner les bâtiments et les lieux remarquables (ou en tout cas intéressants) qui n'étaient pas représentés sur OSM. En discutant avec les habitant·es, nous avons aussi compris qu'un énorme problème à Brugelette était le manque de trottoirs. Nous avons donc poussé jusqu'à indiquer le long de quelles rues il y avait des trottoirs ou pas pour savoir quel itinéraire emprunter avec une poussette par exemple.
Les tendances OSM pour représenter les trottoirs
Les trottoirs sont difficiles à décrire dans un SIG. En effet, dans un SIG il y a trois objets : les points, les lignes et les polygones. Comment décrire les trottoirs ? Les trottoirs peuvent être soit un polygone soit simplement une ligne ou le côté d’une ligne. Dans ce cas, comment diviser la ligne ? Il y a donc des balises pour indiquer le trottoir de droite, le trottoir de gauche, et puis bien sûr la question de la direction. Dans OSM, ce qui est à la fois beau et problématique - et qui constitue d'ailleurs la principale raison pour laquelle les cartographes n'ont pas considéré le projet à son commencement - c'est qu'il n'y a pas de norme. Il y a des tendances, des descriptions, une sorte de politesse sur la façon de faire les choses, mais vous pouvez contribuer, inventer de nouvelles étiquettes, inventer de nouvelles façons de faire. Par exemple, en Europe de l'Est, ils ont décidé de dessiner des trottoirs en faisant apparaître des lignes parallèles et des lignes principales. Il s'agit toujours de questions de représentation, mais aussi de questions conceptuelles sur le choix des géométries pour décrire quelque chose. Pour la carte de Brugelette, les trottoirs sont les lignes violettes coupées aux endroits où il n'y a pas de trottoirs.
Toponymie et intensité cartographique
Il y a aussi la question de la toponymie et le fait que les habitant·es voulaient renommer certaines rues. En Wallonie, les noms de rues ne sont pas aussi fixes qu'il n'y paraît. Pendant les ateliers, nous nous sommes étonnées de cette volonté de renommer les rues mais les habitant·es nous ont répondu "Oui, il y a plusieurs noms pour cette rue". C'était une discussions autour de noms officiels, pas juste des gens qui fantasmaient de changer un nom.
Au-delà de la possibilité pour les habitant·es de contribuer à enrichir les données d’OpenStreetMap, cette démarche a permis d’inventer des manières de représenter le territoire et de faire exister des conflits ou des désaccords. Comme OSM est contributif, certains cartographes sont en effet plus enthousiastes que d'autres et certaines parties sont fortement décrites alors que d’autres ne le sont pas du tout. Au-delà des désaccords de toponymie, la proximité entre Brugelette et le parc animalier Pairi Daiza parle du conflit entre un territoire cartographié de manière lacunaire et un autre territoire cartographié de manière très intense.
La micro-cartographie de Pairi Daiza fait apparaître chaque banc alors que certains bâtiments ou espaces considérés comme remarquables dans la commune de Brugelette sont manquants. La commune étant en conflit avec Pairi Daiza et l’objectif de la carte n’étant pas celui de promouvoir la présence de ce parc, il a fallu styliser les données pour diminuer l’intensité cartographique du parc, car nous n'allions évidemment pas effacer les données concernant Pairi Daiza sur OSM.
Le traitement des collusions
Toujours par rapport à la toponymie - qui nous intéresse beaucoup en terme de design - nous avons dû faire preuve de lâcher prise parce que les noms se mettent eux aussi automatiquement et que le moteur qui fait ce genre de cartes a des bugs avec les étiquettes. Nous pouvons les styler mais il y a des limites et ça génère un certain nombre de collusions dans la toponymie. Nous avons essayé de limiter les bugs de collisions, mais il en reste quelques-uns, nous devons l'accepter. Si nous l'avons fait dans un logiciel de DAO, nous n'aurions pas traité la toponymie de cette façon-là. Mais la technique de carto CSS a l’avantage de permettre de faire des ajouts dans OSM, retélécharger les données, relancer la moulinette et avoir une nouvelle carte mise à jour.
Les cahiers Field Papers et l'arpentage du terrain
Techniquement pour produire la carte, nous avons travaillé à partir d’une impression Fieldpapers de l'état actuel des données OSM disponibles sur le territoire de Brugelette. Field Papers, c'est un site en ligne qui permet de faire des cahiers A4 d’un territoire avec les données OSM. Après nous pouvons les scanner et reporter ou encoder l’information dans OSM. Nous avons fait plusieurs sessions d'arpentage du terrain (à pieds ou en voiture) pour noter la présence de trottoirs ou pas. Nous avons ensuite fait des sessions d'encodage sur base des Fieldpapers et sur base des ortophotos du portail wallon (photos satellites).
Encodage dans OSM et carto CSS
Nous avons fait un peu de formation à l’encodage dans OSM auprès des habitant·es afin qu'iels puissent enrichir OSM mais il y a malgré tout une partie de l’encodage qui a été réalisée par Julien Minet (Champs Libres), Sophie Boiron et Pierre Huyghebaert (Atelier Cartographie et Spec uloos) sur base de ce qui avait été transmis. Sur OSM, le tag « brugelette-sur-carte » permet de savoir quelles informations ont été éditées dans le cadre de ces ateliers. Ensuite nous avons fait l’export pour la carte imprimée avec une vue générale de Brugelette et plusieurs zoom. Cette carte n’a pas été faite sur QGIS mais en carto CSS. C'est un langage de déclaration de style où nous injectons un export OSM sur l'emprise de Brugelette et après nous déclarons des classes avec un style particulier. Et puis nous lançons une moulinette qui génère des PDF. Une fois que nous avons déclaré toutes les classes qui nous intéressent dans OSM, c'est assez automatique.
L'objet carte
Cette technique de carto CSS permet de créer une carte qui peut être mise à jour de façon très rapide. Malheureusement, autant la carte en elle-même est produite automatiquement, la mise en page, avec le quadrillage, l'index des rues, la couverture... ont finalement été faits dans un bête logiciel de graphisme, et freinent en partie la mise à jour automatique. Nous n'avions à cette époque pas de solution sous la main pour palier à ça. Un autre élément, très important et tactile à nox yeux, est l'impression de cette carte en 5 couleurs pleines (Pantone). Il ne s'agit donc pas de quadri, les couleurs sont belles, intenses, et les trames désirées. Mais cela est un frein supplémentaire à une mise à jour automatique car le traitement de la carte en couches couleurs séparées en vue de l'impression est costaud. Un jour, nous aurons une solution!